Réalisé par Trackandmemes, le 27 juillet 2023
Arnaud, on le connaît en tant qu’athlète belge de haut niveau, ayant pour attribut sa perche. Avec un record personnel à 5 mètres 72 datant de 2018, il n’oublie pas son objectif olympique, celui de Paris 2024.
Mais derrière la face visible de ce perchiste se cache également un athlète engagé pour la jeunesse africaine.
Décris toi en 3 mots
Car je ne suis pas le sportif le plus acharné sur les diètes…
Avec mes entraîneurs car si nous ne sommes pas en accord, je ressens vraiment le besoin d’en discuter pour ne pas me braquer. Je suis un peu têtu, un peu sûr de moi parfois. Dans mes sauts ou en compétition, lorsque mon coach me donne une directive et que je sens que ça ne va pas, je vais le dire. J’aime favoriser la communication coach-athlète, plutôt que de simplement faire ce que l’entraîneur dit.
Tu es récemment parti au Bénin pour un projet humanitaire. Ça n’a pas été trop compliqué de combiner le sport avec ce projet ?
On est parti au Bénin pendant l’intersaison, donc de septembre à octobre. C’était vraiment génial, bien qu’assez fatigant. C’était la première fois que j’allais au Bénin.
J’ai toujours aimé faire du sport et voyager. Avoir une routine mais pouvoir en sortir assez facilement. Par exemple, je pars rarement en stage sportif, mais j’essaie tout de même d’aller voir un autre pays une fois par mois, pour mon propre plaisir.
En quoi consiste ce projet ?
On aide une école et un orphelinat.
L’association béninoise s’appelle Donatin et est principalement constituée de femmes. Il y a également une deuxième association franco-belge nommée volodalenassociation.
L’association est ouverte à toute personne motivée.
On a des projets de couture, d’agriculture, et on a des terrains. Le but est de créer une école d’agriculture dans l’optique de donner un emploi aux jeunes adultes, et nourrir l’orphelinat avec les restes de nourritures.
Le Bénin est un pays assez pauvre. On s’est rendu compte que les enfants avaient beau être dans la meilleure école, ils finissent tout de même par avoir du mal à trouver du travail.
Donc notre objectif principal sera d’apporter du support, comme des formations en informatique.
Et au niveau des aides ?
On a deux trails en France qui nous permettent de sponsoriser des orphelins au niveau scolaire. Donc ce sont des courses organisées en Europe.
On a également pour partenaire Microsoft, Volodalen et Wootlab.
Le plus dur est d’être investi sur le long terme. Parce qu’au début, quand on commence, on est motivé et plein d’énergie. On commence par y aller une fois, mais il faut pouvoir continuer de manager les projets même à distance.
Avez-vous su lier l’athlétisme à cette association ?
Oui. Au tout début, on réalisait plusieurs activités !
On a fait du saut à la perche avec des bambous là-bas. Sally a fait du saut à la perche.
Et à l’école, ils ont des cours d’athlétisme. Ils ont un grand terrain de sable où ils font du poids, du saut en longueur, saut en hauteur, courses…
C’est difficile car il n’y a pas beaucoup de clubs, et encore moins de compétitions.
Mais l’initiation à l’athlétisme n’est pas notre priorité car ça demande beaucoup d’énergie, et cette énergie, on préférerait la mettre dans l’éducation pour leur fournir du travail.
Pour revenir sur la performance, penses-tu bientôt faire ton grand retour ?
J’ai été blessé pendant trois ans et demi. Mais vers la fin du mois d’août, je commence ma préparation pour les Jeux olympiques. Mon rêve serait qu’en septembre je puisse m’entraîner sans trop de pépins physiques. Je sais qu’avec de l’entraînement, je pourrais vite atteindre un bon niveau.
Quelle est ta semaine type d’entraînement, à Hannut ?
J’ai deux entraînements de technique de saut, et j’arrange ma semaine de sorte à être en forme pour ces deux entraînements. L’idéal serait de sauter les mardis et samedis. Je rajoute à ça deux séances de courses de type sprint et deux séances de musculation et renforcement musculaire. Mais j’essaie vraiment d’être en forme pour mes sauts, donc ça peut m’arriver de réduire mon programme de musculation pour être en forme pour la séance de saut.
En début de semaine je fais un grand volume, et en fin de semaine je diminue le volume en rajoutant de l’intensité.
Selon toi, quelles qualités faudrait-il avoir pour être bon à la perche ?
Le saut à la perche est un sport très technique. Il y a différents profils de sauteurs qui sont en train d’émerger, comme par exemple Duplantis.
Duplantis est très rapide, Renaud Lavillenie aussi. Ce sont de petits gabarits qui iront vite et plieront leur perche très fort. Il y a d’autres gabarits qui sont plus costauds et lents, mais qui sauteront avec puissance et force.
Et il y en a d’autres encore, comme Sam Kendricks, qui se feront éjecter par la perche avec la fluidité d’un gymnaste.
Pour le moment, être rapide semble être l’atout idéal, mais les gens qui ont de la force et ceux qui ont moins de qualités physiques peuvent également réussir !
C’est par toutes ces qualités que la perche diffère du sprint où il faut simplement être rapide, ou encore du lancer de poids où il faut être vraiment fort à la salle.
Et au niveau de la discipline, sur quoi devrait-on être assidu ?
Je vois le sport de haut niveau comme un marathon. Dans l’athlétisme, ce qui compte c’est la régularité. La carrière d’un sportif ne s’étale pas entre 20 et 25 ans, comme on pourrait le croire. Elle peut aller jusqu’à 35 ans. Je vois beaucoup d’athlètes se mettre beaucoup de pression ou s’entraîner à très haute intensité aux alentours de 20 ans. Ensuite, après 25 ans, s’ils n’y arrivent pas, ils seront très déçus. Mais il faut se dire qu’après 25 ans, il nous reste encore 10 ans ! Pour moi la clé c’est la régularité. Il faut s’entraîner, construire quelque chose de solide et y aller étape par étape.
J’ai vu des sportifs de haut niveau partir d’extrêmement bas. Ils avaient très peu de qualités et n’étaient pas très techniques… Alors on se demande comment ils s’en sortiront. Mais ils finissent par y arriver.
Et en ce qui concerne le côté purement « haut niveau » ?
Tout le monde ne peut pas faire du sport de haut niveau. Mais si tu t’en donnes les moyens et surtout, si les autres t’en donnent les moyens, tu auras plus de chance d’y arriver.
Prenons le cas d’un étudiant. Il faut pouvoir s’entraîner tous les jours. Donc avoir des parents qui te supportent, une piste pas très loin et un bon entraîneur.
Si tout l’environnement est favorable et que l’étudiant ne se blesse pas trop souvent, il parviendra alors à construire une belle fondation. Il y a bien un moment où il se passera quelque chose.
Pour moi, celui qui réussit n’est pas celui qui s’entraîne le plus dur, mais celui qui s’entraîne le mieux le plus longtemps.
Te serais-tu vu décathlonien, ou ta dévotion pour la perche est irremplaçable ?
Non, je n’aurais pas pu être décathlonien. J’aime l’idée d’être spécialiste, bien que ce soit une question qu’on me pose souvent.
Te laisses-tu encore inspirer d’autres athlètes après toutes ces années ?
C’est vrai qu’avec le temps, tous ceux qu’on voyait comme modèle ont arrêté. Et ceux qui sont forts à l’heure actuelle, j’essaie de les voir comme des concurrents. Même s’ils sautent un mètre de plus que moi. J’essaie de ne pas trop sacraliser les athlètes.
Prépares-tu déjà ton après carrière ? À quoi ressemble ta vie actuellement ?
J’ai déjà travaillé dans un laboratoire biomécanique pour Volodalen.
J’aimerais continuer à travailler dans le sport. De temps en temps, faire du coaching personnel. J’ai fait des études d’économie, et ensuite de mathématiques et statistiques. Je suis bon en informatique, donc je me verrais bien créer des programmes de plan d’entraînement pour athlètes issus de différents sports.
Mais là actuellement, et jusqu’à l’année prochaine, je me consacre à mon sport.
Un conseil pour un jeune souhaitant performer dans ta discipline, en Belgique ?
Une carrière sportive c’est sur le long terme. Ce qu’il faut c’est bien s’entourer. S’entourer de gens qui sont bons, mais pas seulement. Il faut également s’entourer de personne avec qui on souhaite vivre, car on passe la plupart de notre temps libre avec ces personnes !
S’entourer de personnes à l’écoute et avec qui tu t’entends bien. C’est le mieux que tu puisses faire.
Parfois, les jeunes aiment bien partir loin pour s’entraîner avec de très grands entraîneurs. Mais il faut bien analyser le tout, l’après-carrière également. Une carrière sportive ne dure que quelques années.