Réalisé par Trackandmemes, le 25 juin 2023
Dimitri Jozwicki, athlète paralympique et ergothérapeute à temps partiel, a récemment battu son record personnel sur 100m en effectuant une performance en 11’’ 00.
Il conserve ainsi son titre de champion de France.
Dans cet article, en plus de nous dévoiler ses ambitions sportives, Dimitri nous donnera de nombreux détails sur ce que c’est qu’être athlète paralympique dans le milieu de l’athlétisme.
Ce record est-il ta première victoire cette saison ?
Non. J’avais fait 11’’ 05 il y a quelques semaines à Notteville, en Suisse, où j’ai battu le champion paralympique en titre. Avant cette course, j’avais déjà effectué un record personnel en 11’’ 21 en début de saison.
Comment envisages-tu le reste de la saison outdoor ?
Actuellement, j’aimerais briser la barre des 11 secondes, ce qui me permettrait d’être plus à l’aise avec l’idée de pouvoir gagner une place sur le podium, cet été à Paris, lors du Championnat du monde.
Je suis actuellement en tête du bilan mondial, et je devrais terminer au moins quatrième aux championnats du monde pour espérer avoir ma place aux jeux.
Les entraînements montrent que je suis capable de courir en 10’’ 90, mais ce qui compte réellement ce n’est pas le résultat à l’entraînement, mais ce qui sort en compétition. Les entraînements sont là pour me mettre en confiance, pour me dire que je suis capable d’y arriver.
Quel est ton handicap ?
J’ai une tétraparésie. C’est une paralysie partielle des quatre membres, dans la famille des infirmités motrices cérébrales (IMC).
Les IMC sont des paralysies d’origine cérébrale, du système nerveux central. Ce handicap est différent des personnes qui sont blessées médullaires, donc les paraplégiques et les tétraplégiques.
Dans mon cas, on parlera plutôt de paraparésie ou tétraparésie, puisque ma paralysie est partielle.
C’est souvent dû à des traumatismes crâniens ou AVC chez la personne adulte, et elles peuvent également être congénitales, comme pour moi par exemple.
Mais ça peut également être le cas des enfants prématurés ou qui naissent avec le cordon autour du cou. Un manque d’oxygène apporté au cerveau dès la naissance peut créer des lésions irréversibles au cerveau. C’est mon cas. À un détail près… Car j’ai ce qu’on appelle une tétraparésie fluette. Ça veut dire qu’elle n’est pas ultra visible, bien qu’elle soit localisée sur les quatre membres.
Dans la course à pied, ça va entraîner une limitation d’amplitude articulaire liée à ce qu’on appelle la spasticité (raideur musculaire involontaire).
Mais alors, comment fais-tu pour courir vite ?
J’ai de la chance d’avoir beaucoup de fréquence et d’être assez puissant. Ça compense.
Lorsque je lève le genou, que j’essaie de tendre la jambe et d’allonger, je perds en amplitude de hanche. Ça réduit la taille de mes foulées. Musculairement, je vais commencer à me fatiguer plus vite. Et comme ma fatigue est exponentielle, un 200m sera bien plus compliqué à courir pour moi. Je pense que je pourrais courir un 400m, mais ce serait vraiment difficile d’être performant sur cette discipline !
Et au niveau des classifications?
Au niveau des classifications, en athlétisme, on a les lettres T et F. T pour Track, et F pour Field. Track pour les coureurs sur piste, et Field pour les sauteurs ou les lanceurs. En natation par exemple, on a la S de Swimming.
Ensuite, après la lettre suit un chiffre. Le chiffre des dizaines détermine la famille du handicap, et le chiffre de l’unité détermine le degré du niveau du handicap.
La première dizaine est pour les déficiences visuelles. La seconde dizaine détermine les déficiences intellectuelles, et la troisième dizaine, donc celle qui me concerne, est pour les infirmités motrices cérébrales.
Ensuite on a la quatrième dizaine; pour les personnes amputées ou assimilées. On dit assimilés parce qu’elles auront peut-être une paralysie du plexus brachial et auront un bras un peu pendant. On risque de les confondre avec des personnes atteintes d’IMC, comme moi, or que la symptomatologie (ensemble des symptômes d’une pathologie ainsi que l’étude de ces symptômes), elle, n’est pas du tout la même. Tout comme l’impact du handicap sur la discipline. On considère donc les assimilés comme des personnes amputées.
Il y a également la cinquième dizaine, qui est les blessés médullaires. Et enfin, la sixième dizaine, qui identifie les amputées des jambes ou assimilés amputées.
Il y a donc une lettre pour déterminer la discipline dont on parle, un chiffre pour indiquer le handicap, et une unité qui nous révèle le degré du handicap. Plus le chiffre de l’unité est élevé, et moins le handicap est important.
La classification n’a pas pour but de mettre tous les athlètes sur un même pied d’égalité, puisqu’il faudrait presque créer une catégorie de handicap pour chaque athlète, chacun n’ayant pas exactement les mêmes symptômes. Mais la classification vise à évaluer l’impact du handicap sur la discipline pratiquée.
Qu’en est-il de la sensibilisation au handicap ?
En France c’est un problème puisqu’elle est faible, voire inexistante.
Mon handicap n’est pas visible de prime abord. Et pourtant, l’image principale qui est véhiculée sur le handicap est l’icône d’une chaise roulante.
Pour les places de parking, aux toilettes, pour les classes prioritaires, la personne handicapée est représentée par une chaise roulante.
De manière générale, nous sommes souvent représentés par un fauteuil, une prothèse et une canne blanche, ce qui transmet une image fausse du handicap. Car les personnes qui ont un handicap beaucoup moins visible sont moins prises au sérieux.
Je suis handicapé moteur, et parfois, quand je le dis, on ne me prend pas au sérieux.
Ça permettra une belle visibilité, et ça nous permettra de nous exprimer.
Quand on voit un homme amputé réaliser une performance en 10’’ 50, c’est incroyable. Surtout lorsqu’on connaît l’athlétisme et que l’on connaît la valeur de cette performance. Alors l’homme amputé qu’on croisera dans la rue ne sera plus considéré comme un athlète ayant un membre en moins, mais comme un homme étant capable de réaliser quelque chose d’impressionnant !
Marcus Rhem est amputé, et il fait 8 mètres 62 en saut en longueur. Il est champion olympique, et s’il vient sauter avec les autres champions olympiques valides, ça donnera une autre vision du handicap.
Et au niveau du regard des autres ?
Je sais que ce n’est pas méchant ou malveillant, mais souvent les gens me disent “C’est extraordinaire ce que vous faites. Bravo.” Mais moi, je vais à l’entraînement parce que j’aime être athlète, pas pour une quelconque gloire. Et le jour où ça ne me plaît plus, j’arrête. Comme n’importe quel valide. On nous voit parfois comme des héros, mais au final, on s’entraîne comme les valides.
D’ailleurs, je m’entraîne avec des valides, et je n’ai pas l’impression de faire un effort surhumain.
J’ai conscience que ce que je fais n’est pas commun, mais je le fais pour moi.
Donc je sais que ce n’est pas malveillant ! Mais on sent que les gens ne sont pas encore à l’aise avec le handicap.
Pourrais-tu courir avec les valides ?
J’ai toujours pratiqué avec les valides. J’ai deux licences; une handisport et une FFA.
Pendant longtemps, j’ai couru avec des valides qui ne savaient même pas que j’étais un athlète paralympique.
Pour moi, être handicapé ne me définit pas. C’est une force que je mets en avant pour sensibiliser les gens, mais moi, je suis simplement Dimitri. Je ne suis pas juste IMC, je suis Dimitri.