Réalisé par Trackandmemes, le 17 mars 2023
Jolien Maliga Boumkwo, athlète belge résidant à Gand, revient tout juste des championnats d’Europe qui ont eu lieu à Istanbul, en Turquie. À 29 ans, Jolien est une lanceuse de poids et de marteau au grand rêve, le rêve olympique, une recordwoman de Belgique confirmée, mais également une personnalité souriante et pleine de vie. Armée de ses expériences passées, elle nous dévoile son témoignage.
En 2017, tu étais face à un dilemme, lequel ?
J’ai eu une carrière avant, en tant que lanceuse de poids et de marteau, mais j’ai arrêté en 2017. À l’époque, je ne savais pas pour combien de temps exactement je serais hors jeux. J’ai arrêté parce que mon entraîneur de lancer de marteau m’a quitté trois jours avant de partir en camp d’entraînement. Je n’avais donc plus de perspective.
J’ai obtenu un diplôme en administration des affaires et un master en comptabilité et fiscalité. Je devais faire un choix, et donc savoir si je voulais aller plus loin dans ce sport.
Je voulais commencer une carrière professionnelle après avoir obtenu mon diplôme, afin de pouvoir commencer à construire ma propre vie sans dépendre de quelqu’un. J’ai donc décidé d’arrêter l’athlétisme, et puis de toute façon, au moment où j’ai arrêté, je ne me sentais plus vraiment à l’aise dans ma pratique sportive.
Vers la fin de l’année 2017, le RESC m’a demandé de rejoindre leur club. J’ai donc fait les interclubs avec eux en 2018 et en 2019, et les championnats de Belgique aussi.
Mais je ne m’entrainais pas régulièrement, peut-être une à deux fois par jour. Aujourd’hui, je suis affiliée à Vilvorde.
Comment as-tu réellement repris le lancer de poids ?
Durant l’été 2021, j’étais en vacances en France, et j’ai ressenti comme si je m’étais acquittée d’un certain poids. Et en voiture avec mon petit ami, je lui ai dit que je voulais relancer. Mais je voulais m’assurer que ce n’était pas une envie impulsive, donc j’ai patienté deux semaines, ou peut-être un mois avant de demander au directeur technique de Flanders, Rutger Smith, s’il pouvait m’aider en me trouvant un coach. Il m’a ensuite mis en contact avec Tom Corstjens, et Tom a accepté de me donner une chance.
J’avais 6 mois pour montrer que je méritais d’être prise en considération, et que je voulais réellement travailler pour atteindre mes objectifs. Durant l’hiver 2021, j’ai failli battre mon record en salle, avec une performance de 16m21. Et quand j’étais à mon meilleur niveau durant ma carrière de l’époque, mon record était de 16m30.
Quelles démarches as-tu entreprises pour être en accord avec ta nouvelle vision sportive ?
J’ai dû prendre les bonnes décisions de sorte à pouvoir avoir une carrière à succès. Mon coach était surpris que ça marche si bien, donc on a continué à travailler dur. Et en été, les championnats d’Europe étaient même envisageables. Mais je n’ai pas réussi à me qualifier finalement…
Dès cet hiver, on a décidé de viser les Jeux olympiques 2024. Et pour rendre cet objectif concret, j’ai dû faire des choix, même financièrement, notamment en ce qui concerne mon stage sportif en Afrique du Sud. J’étais vraiment reconnaissance de pouvoir y être pour trois semaines durant cet hiver. Ça m’a vraiment aidé, et j’ai vu les résultats.
Je me suis également améliorée mentalement. Désormais, je ne me concentre plus sur les choses que je n’ai pas, mais sur les choses que j’ai. J’ai appris à être reconnaissante de chaque étape et apprécier mon processus.
J’étais en Turquie à Istanbul début mars, pour les championnats d’Europe. Je suis vraiment reconnaissante d’avoir eu l’opportunité de pouvoir m’y rendre, d’apprendre de cette mauvaise compétition pour en tirer une leçon, pour transformer cela en quelque chose de positif.
Quel était ton état d’esprit avant le Championnat d’Europe ?
Je voulais lancer au-delà de 18 mètres et aller en finale. Mais ce n’était pas le bon état d’esprit. J’aurais dû me concentrer sur ce que je devais faire, au lieu d’être concentrée sur le résultat. La prochaine fois, je sais que je dois me concentrer sur ce que je dois faire et pas sur ce que je veux avoir comme résultat.
Tu as battu ton propre record national en salle à trois reprises, et de plus de 1m50 ! D’abord en 17m01, puis 17m24 et enfin 17m87 ! Une telle progression était-elle attendue ?
L’été passé, j’étais déjà en forme pour lancer dans les 17 mètres…
Mais je me suis rendu compte que le stress que j’ai ressenti au Championnat d’Europe récemment ne m’était pas inconnu. J’ai déjà ressenti ça durant les compétitions d’été. Le stress ne me réussit pas.
Mon coach et sa femme, Melissa, qui ont aussi été des lanceurs, m’ont vu lancer quand on était en Afrique du Sud l’été dernier. Ils ont eu l’impression que j’allais lancer loin durant la saison hivernale. Mais je n’y pensais pas, car je ne le ressentais pas vraiment.
J’avais une compétition programmée quelques jours après mon retour de stage en Afrique du Sud. J’étais malade durant les derniers jours du stage, et même lors du retour en avion. Donc pour cette compétition, je n’étais pas concentrée sur le fait de lancer loin. Je suis donc partie à Manchester et j’ai fait un record personnel en salle. 16m51. Ensuite, je suis rentrée à la maison et ai eu une courte nuit de sommeil, avant de me diriger vers les championnats nationaux flamands. Je voulais juste profiter du moment, quand soudain, j’ai fait un deuxième record personnel. J’étais concentrée sur ce que je devais faire, et pas sur le fait de lancer loin.
Que sait-il passé ensuite ?
La semaine qui a suivi le championnat, j’avais une autre compétition, à l’IFAM, un évènement international. J’étais vraiment fatiguée, je revenais d’une fête d’anniversaire qui a eu lieu la nuit qui a précédé le concours. Pour moi, le plus important était de ne pas être concentrée sur la compétition et de faire d’autres choses. Je disais à mon coach que j’étais vraiment fatiguée, mais qu’on verrait. Je lui ai aussi dit que si je faisais de nouveau un record national, mon petit ami conduirait cette nuit pour qu’on aille chez des amis boire un verre, et ça a marché ! J’ai fait un record national, et j’ai directement regardé vers mon petit ami.
Deux semaines après, c’était déjà les championnats de Belgique, mais ça ne s’est pas bien passé, car j’étais un peu stressée. Je voulais faire mieux. J’ai fait un bon lancer, mais les autres n’étaient pas si bons que ça. Ils étaient corrects, mais sans plus.
Tu sembles avoir une bonne relation avec ton entraîneur ?
C’est important d’avoir une bonne relation avec son coach. Il faut rester objectif, mais je crois réellement ce qu’il me dit.
Te sens-tu bien soutenue ?
Je me sens bien soutenue par ma maman. Elle est là à chaque compétition, mon petit ami aussi. Il a une voiture et quand il ne l’utilise pas, il me permet de l’utiliser pour aller en compétition les week-ends. Il me dépose à l’aéroport quand il peut. Il est vraiment investi dans ce que je fais. Il essaie de penser à la manière dont il peut m’aider, il est un très bon supporter.
Mes amis proches sont également de bons supporters. Ils viennent me voir en compétition à Gand, ce que j’apprécie. Ils comprennent ce que je suis en train de faire. Ils me laissent faire ce que je fais et ont de la compassion pour ce que je fais. Si j’ai moins de temps au niveau de mes disponibilités à cause des entrainements, ils le comprennent également. Tout le monde me supporte.
Que dirais-tu à l’ancienne Jolien ?
Je lui dirais, Jolien, ne te concentre pas sur ce que tu n’as pas et sois reconnaissante pour ce que tu peux accomplir. Tout le monde ne peut pas faire ce que tu fais. Donc, sois juste reconnaissante et profite du moment. Entoure-toi de personnes qui ont de bonnes intentions envers toi, et ne perds pas ton temps avec des personnes qui ne veulent pas te voir devenir une bonne athlète.
Quels sont tes objectifs pour la saison estivale ?
Cet été, j’aimerais aller au Championnat du monde. Ne pas trop me concentrer sur le ranking mondial. J’aimerais faire de bonnes compétitions, et simplement aimer ce que je fais.
Et si tu devais donner un conseil à un jeune athlète qui s’inspire de toi, que lui dirais-tu ?
Aime ce que tu fais et sois reconnaissant pour ce que tu fais. Ne gaspille pas ton énergie à des choses sans valeurs, en te disant que tu mérites telle ou telle chose, mais fais les choses simplement parce que tu les aimes. Ne les fais pas pour être pris en photo, ça c’est ce qui arrivera en prime. Fais les choses pour toi-même, pas pour les abonnés, ou les appréciations des gens, mais simplement pour toi. Même s’il n’y a personne à la compétition, tu dois aimer ce que tu fais.
Les gens pourraient se dire que ça a été facile pour moi d’aller au Championnat d’Europe, mais j’ai vraiment travaillé pour cela. J’ai fait des changements, j’ai dû prendre de bonnes décisions.