Léo El Achkar: « Les haies, c’est une question de rythme »

JOURNAL DE BORD D'UN ATHLÈTE

Réalisé par Trackandmemes, le 22 mai 2021

J’ai vécu dans le sud de la France jusqu’à mes 18 ans. Maintenant, je suis à Lyon parce que je suis en quatrième année à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées), une école d’ingénieur me permettant de faire un cursus qui combine le sport et les études. Au niveau du sport, j’ai commencé par les épreuves combinées, puis je me suis spécialisé en haies quand j’étais en catégorie juniore. En cadet et junior, j’ai été champion de France durant trois années consécutives, et j’ai également fait quatre sélections en équipe de France, dont les championnats d’Europe où j’ai fini 7e en 2017.

En quoi consiste exactement ta discipline ?

La course de haies, 60 mètres haies à l’intérieur (indoor) et 110 mètres haies en extérieur (outdoor), c’est du sprint. Donc le but est de parcourir le plus vite possible la distance entre la ligne de départ et la ligne d’arrivée. Le départ se fait dans les starting-blocks, à sept ou huit appuis jusqu’à la première haie en fonction de l’athlète (ndlr : 1 appui = 1 pas). C’est la morphologie de l’athlète (taille, puissance, etc.) qui déterminera s’il fera sept ou huit appuis entre les starting-blocks et la première haie, mais un athlète faisant huit appuis n’est pas spécialement moins bon qu’un athlète faisant sept appuis. Moi, je suis un petit gabarit ayant pour atout ma fréquence, donc pour le moment, je suis très bien sur huit appuis. Ça ne me serait pas bénéfique pour l’instant de faire sept pas. Ça dépend de l’athlète et de ses qualités. Ensuite, pour le reste de la course, il y aura quatre appuis entre chaque haie jusqu’à la ligne d’arrivée.

Le 110m haies compte 10 haies, comme le 400m haies. As-tu déjà pensé à faire du 400m haies ?

J’ai déjà essayé de faire du 400m haies à l’époque où je faisais des épreuves combinées. Mais le 110m haies n’a rien à voir avec le 400m haies. Ces deux disciplines demandent un effort différent. Et pour l’instant, je me concentre sur le sprint court.

À l’entraînement, es-tu amené à sauter des haies plus hautes afin d’être plus à l’aise en compétition ?

C’est difficile de la mettre plus haut. En général, 1m06, taille de la haie en compétition, c’est déjà le dernier cran disponible. Donc on peut difficilement aller plus haut. En réalité c’est déjà bien assez haut. Par contre, pour l’échauffement ou pour effectuer certains exercices, je suis parfois amené à sauter des haies plus basses.

Le sprint prend-il une place importante dans cette discipline, ou est-ce que c’est le franchissement des haies qui prime ?

Il faut courir vite. Il n’y a pas de secret. Le 110m haies est une des disciplines les plus techniques qu’on peut trouver dans l’athlétisme, donc on va bien évidemment se concentrer sur la manière dont on va aborder l’obstacle. Mais on va tout le temps travailler le sprint. Lors des entrainements techniques, par exemple, on travaillera l’intervalle entre les blocks et les haies, parce que c’est à ce moment-là qu’on crée de la vitesse. On essaie juste de ne pas perdre de la vitesse pendant le franchissement des haies.

Et au niveau de la vitesse, elle se crée à quel moment ? Est-ce encore possible de la créer tout au long de la course, ou ce sont les premiers pas qui sont primordiaux ?

Ça reste un sprint. Par exemple, sur 60m haies en salle, si tu rates ton départ, ce sera plus compliqué de rattraper la course. Sur 110m haies, tu peux rattraper plus facilement, mais la vitesse se crée principalement lors de la sortie des starting-blocks.

J’ai cru comprendre que, pour de nombreux athlètes, le franchissement de la première haie est parfois un fléau ? Qu’en est-il pour toi ?

Quand j’étais jeune, je devais faire attention à bien passer la première haie. Le premier obstacle est décisif. Les haies, c’est une question de rythme. Si tu rates ta première haie, ça signifie que tu sors du rythme dès le début. Tu perds de la vitesse et c’est compliqué de se remettre dans le rythme.

En compétition, lorsque tu franchis mal la première haie, comment arrives-tu à gérer la suite de la course pour ne pas tout abandonner, mentalement parlant ?

À force de pratiquer ma discipline, j’apprends à gérer ce genre de situation. Faire une faute peut arriver à n’importe quel moment. J’essaie de m’adapter. Plus je m’entraine, plus cette adaptation devient naturelle. Si je perds le rythme, je vais essayer de retrouver la musique.

Quels sont tes objectifs pour la saison outdoor ?

Courir vite et essayer d’être à mon meilleur niveau. Regagner des courses comme je le faisais il y a quelques années.

Tu dirais quoi au toi d’avant ? le toi qui, à l’époque, regardais les sportifs renommés en espérant être, un jour, ce sportif de grand niveau ?

Le moi d’avant a performé tôt. En cadet 2, j’étais vainqueur lors des championnats de France, j’ai fait toutes les sélections en junior. Ce moi-là était épanoui et conscient qu’il vivait quelque chose de rare. Je ne prenais pas ça pour acquis. Mon entourage me disait que c’étaient des moments précieux. Si je pouvais parler à ce moi d’avant, je lui dirais de profiter encore plus qu’il ne l’a fait, parce qu’après, ce moi connaitra des moments de galère. Je lui dirais aussi de faire attention aux personnes qui l’entourent, au STAFF, car l’athlète à lui seul peut difficilement s’en sortir. La motivation a toujours été là. J’ai bien travaillé, donc ça devrait payer.

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