Réalisé par Trackandmemes, le 4 mai 2021
Je m’appelle Rayan Elali-Amrani et je suis actuellement en cadet 2. À l’origine, je faisais du foot mais je me suis blessé suite à quoi on m’a interdit de continuer ce sport. Du coup j’ai commencé l’athlétisme en catégorie minime 2. Je n’étais pas très fort et puis en cadet 1 j’ai commencé à évoluer. Cette année je suis rentré en centre de formation de Montpellier.
Le ramadan, on le connait de nom. Mais comment définirais-tu cette pratique aux gens qui ne sont pas musulmans ?
Le Ramadan c’est un mois où on regénère notre corps et notre esprit surtout, donc il ne s’agit pas uniquement de ne pas manger et de ne pas boire. C’est important pour nous en tant que musulmans de le faire. C’est compliqué de le lier avec le sport mais ça reste un moment important.
Avant le ramadan, te prepares-tu mentalement ou physiquement afin de pouvoir combiner ton jeûne avec tes entrainements ?
Non. Tout se fait naturellement. J’en parle à mon coach pour ne pas qu’il me voit arriver desséché. Je le préviens une semaine avant, et de son côté il réfléchit à comment est-ce qu’on va s’entrainer, ce que je peux faire et ce que je ne vais pas faire… Le ramadan ce n’est pas une compétition. C’est quelque chose de religieux, c’est spirituel donc ça ne se prépare pas.
Cette année, comment comptes-tu gérer ton jeûne ?
J’essaie de faire en sorte que ma journée soit remplie, donc je vais m’entrainer tôt le matin ou tôt dans l’après-midi ; entre 10h et 13h. Comme ça je suis bien en forme pour l’entrainement et après ça j’entraine un groupe de minimes et un autre groupe de sprint. Au moins ma journée est bien chargée et je ne suis pas chez moi à ne rien faire. Le ramadan c’est quelque chose qu’il faut bien gérer, surtout que moi je m’entraine tous les jours de la semaine. Il faut faire attention. Quand tu manges le soir, il ne faut pas manger n’importe quoi donc ne pas avaler que du sucre sinon ton corps ne supportera pas le lendemain. Ça dure un mois, pas deux ou trois jours et durant tout ce mois, il faut pouvoir gérer notre corps ainsi que la fatigue qui s’accumule. La première semaine, au niveau de la fatigue j’arrive à gérer, mais à partir de la deuxième semaine, ça commence à se corser et la troisième semaine ça devient déjà un peu plus dur. Mais si tu fais attention, c’est gérable. Il faut juste bien boire et bien manger le soir. Il faut garder en tête que nous sommes des athlètes donc ce n’est pas parce que c’est le mois du ramadan qu’il faut manger n’importe quoi.
Je sais que certains coachs adaptent leur séance lorsque leurs athlètes féminines sont menstruées, si celles-ci estiment qu’une adaptation est nécessaire. Mais lorsqu’il s’agit du ramadan, on entend moins parler d’adaptation. Ton coach il fonctionne comment à ce niveau là ?
Premièrement, c’est important que tout le staff soit au courant. Mon coach voulait diviser mes séances mais moi je lui ai dit que je voulais faire le maximum jusqu’à ce que mon corps ne soit plus capable d’encaisser, et quand je sens que je lâche, j’arrête, même si je sais que je suis un peu têtu sur ce genre de choses… Le ramadan c’est également un mois qui me permet de m’adapter, de me dire “fais attention, arrête et écoute ton corps”. Selon moi, il ne faut pas trop adapter le programme. Le plus important c’est d’écouter son corps.
Une anecdote concernant l’un de tes entraînements durant le ramadan ?
L’an dernier j’avais extrêmement soif pendant une séance, mais quand je dis extrêmement soif c’est extrêmement soif… Je n’ai pas bu pendant la séance puis je suis rentré chez moi. En montant les escaliers, mon corps s’est endormi et je suis tombé sur les marches. Je me suis assis, mon père est descendu pour m’aider à remonter puis je suis allé dormir.
Est-ce que tu te challenges toi-même en te disant, “ si je survie à cet entraînement alors que je n’ai rien dans le ventre, je suis quelqu’un ” ?
Oui ça m’arrive souvent. La dernière fois j’ai eu une séance où je me suis dit “si je la termine celle-là et que je fais les bons chronos, c’est propre”. Franchement, t’es content à la fin. Surtout lors de la dernière semaine du ramadan. Si tu finis tous les entrainements lors de cette dernière ligne droite, alors t’as fait quelque chose de bien, t’as l’impression d’être quelqu’un dans ta tête.
As-tu déjà été dans l’incapacité de participer à un championnat durant cette période ?
Il y a deux possibilités, soit on peut rattraper ce jour de jeûne ultérieurement, ce qui signifie que durant la compétition on s’autorise à boire et à manger. Soit on jeûne durant la compétition. Moi j’ai choisi la deuxième option donc je continue mon jeûne durant la compétition. Les résultats seront évidemment moins bons mais je continue parce que c’est spirituel, encore une fois.
Est-ce que tu penses que les championnats nationaux sont bien positionnés par rapport au ramadan ?
On ne peut pas donner notre avis sur ça parce que c’est à nous de s’adapter, ce n’est pas à la fédération de décaler la date pour le ramadan. On est en France donc on est obligé d’accepter ça, même si on aimerait que ça ne tombe pas durant ce mois… Mais on est obligé d’accepter et c’est un challenge en plus pour nous.
Trouves-tu qu’on en parle assez de cette combinaison sport et jeûne ? Ou alors serait-ce une réalité encore un peu dans l’ombre ?
On en parle mais en négatif. C’est ça qui me dérange. Lorsqu’on tape dans la barre de recherche “jeûne”, “ramadan” et “sport de haut niveau”, on ne voit aucun article qui en parle en bien. C’est principalement le terme “danger” qui ressortira le plus souvent. Pourtant, ce n’est pas si dangereux que ça. Il faut juste être intelligent et bien gérer le mois. Tu t’entraines puis tu fais une petite sieste de 20 minutes comme ça ton corps se regénère un peu. Il faut faire attention à son alimentation et tout se passera bien. Malheureusement, en France on en parle en mal du ramadan et du sport de haut niveau.