Mikaelle Assani, vers l’apogée du saut en longueur

JOURNAL DE BORD D'UN ATHLÈTE

Réalisé par Trackandmemes, le 11 août 2023


À seulement 20 ans, elle détient un record personnel de 6 mètres et 91 centièmes en longueur, la classant parmi les meilleures sauteuses au niveau mondial.

Simple et passionnée, Mikaelle se dévoile.

Mikaelle ASSANI photographié par Mathias Dersch


Comment décrirais-tu ta personnalité ?

Dans ma biographie Instagram j’ai mis “the sunflower in a field of roses”. De manière générale, je suis une personne heureuse, une personne qui essaie d’être positive et de rendre heureux ceux qui m’entourent.

Je suis également ambitieuse. Et puis j’ai déjà atteint un certain niveau, puisque je saute avec les meilleures au classement mondial.

Je dirais que je suis focalisée sur mes objectifs.

Mais d’un autre côté, j’essaie de rester moi-même, et d’être présente pour mes amis. Mon but est de rester authentique. Parce qu’avec le succès dans le sport, on peut vite se perdre.

Pourquoi as-tu commencé l’athlétisme ?

J’étais à l’école en Allemagne, et on faisait toujours de l’athlétisme durant le cours de sport. Ce sont mes professeurs qui me disaient que j’étais sportive et que je courais vite. Ils m’ont demandé pourquoi je ne commençais pas l’athlétisme. Mais je ne prenais pas leur remarque au sérieux.

Mon professeur de sport était également mon professeur d’allemand. Et un jour, au lycée, il a écrit un numéro sur le tableau en me disant que si je ne m’inscrivais pas dans ce club d’athlétisme, il me donnerait de mauvaises notes. J’avais 10 ans.

En Allemagne, quand on commence jeune l’athlétisme, on doit faire toutes les disciplines. Donc j’ai touché un peu à tout. Mais les courses de sprint et la longueur étaient les disciplines dans lesquelles je performais le mieux.

À quel moment t’es-tu dit « je veux devenir professionnel » ?

À 14 ans.

À l’âge de 14 ans, j’ai fait mes premiers championnats d’Allemagne. C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’athlétisme devenait quelque chose de sérieux dans ma vie. Mais je n’étais pas encore dans une optique de devenir athlète professionnelle. Quand j’ai commencé à gagner un peu d’argent grâce au sport, et lorsque je me suis rendue compte que grâce à ma pratique sportive, je pouvais découvrir le monde, voyager et découvrir d’autres athlètes, j’ai trouvé ça vraiment intéressant.

Avec mes performances, j’ai pu devenir professionnelle, mais ça s’est développé au fur et à mesure.

Qu’en est-il de tes championnats d’Europe qui se sont déroulés en Finlande 🇫🇮 (Espoo) ?

C’était vraiment bien. J’ai découvert ce nouveau pays. Être présente avec l’équipe nationale m’a permis d’acquérir en expérience, comme à Tallinn où j’ai gagné ma première médaille internationale. 

Mais le cadre était différent, car je suis arrivée comme une athlète favorisée à cause de mon saut de 6 mètres 91. J’avais un peu plus de pression. J’ai essayé de ne pas m’en mettre, mais je n’y suis pas parvenue.

Mikaelle ASSANI au championnat d’Europe U23 à Espoo en Finlande

Pour être honnête, je ne suis pas très contente de ma performance, mais j’ai gagné en expérience par rapport à comment me comporter en compétition lorsque le cadre ne m’est pas favorable, et ça, c’est positif.

J’ai revu les filles que j’ai rencontrées en 2021, à Tallinn, et nous sommes devenues amies. Donc j’ai vraiment apprécié cet environnement amical. Et je suis également contente pour les athlètes qui ont réussi comme ils le voulaient.

Tu es très jeune, mais déjà une des meilleures athlètes mondiales. Ressens-tu une certaine pression ?

En général, je pense qu’on a tous un peu de pression. Surtout quand on atteint un haut niveau en étant si jeune. Mais cette année, c’est vrai que c’est différent car j’ai atteint un classement « adulte » à l’âge de 20 ans.

J’essaie juste de me focaliser sur moi et de changer cette pression en quelque chose de positif.

D’un côté, je veux montrer que j’ai ma place parmi les grands, que ce n’est pas un hasard si je suis bonne. Mais d’un autre côté, je ne me concentre pas sur les opinions des autres car je suis encore jeune.

Dans mon pays, il y a Malaika Mihambo qui a gagné les Jeux olympiques en 2020. C’est une des meilleures sauteuses en longueur. Et comme elle est là, je peux me concentrer sur moi sans me laisser influencer par les opinions des autres, bien que je veuille montrer que j’ai ma place parmi les adultes.

Il faut trouver une balance entre le fait d’être jeune et d’être une athlète de haut niveau.

Y a-t-il eu un moment dans ta carrière où tu t’es dit, cette fois-ci je n’y arriverai pas. Je n’en suis pas capable ?

Je pense que le seul moment où j’ai ressenti cette sensation, c’est quand j’étais aux États-Unis. C’était une période difficile pour moi, physiquement et mentalement, parce que ça n’allait pas avec mon coach. Je n’avais pas le support que j’aurais aimé avoir pendant un temps difficile. C’était dur de croire en moi en général, de croire en ma performance, car je me sentais seule.

Je suis rentrée chez moi l’an passé, avant les championnats d’Europe qui se sont déroulés à Munich.

Comment t’en es-tu sorti ?

J’ai analysé ma situation et j’ai regardé ce qui n’allait pas. J’ai cherché la cause de mon mal-être et, en fait, j’avais un manque de support.

J’ai essayé d’arranger ce problème en appelant ma mère, ou en parlant avec mon coach d’Allemagne. Et on a trouvé des solutions. Je pense que dans les moments comme ça, c’est important de ne pas être seul, d’avoir des gens en qui on peut avoir confiance pour trouver des solutions. Et éventuellement, avoir un plan, et si ça ne fonctionne pas, ne pas perdre espoir et essayer encore.

Quel est ton plus grand objectif dans ce sport ?

Améliorer mon niveau continuellement… Mais mon objectif serait de partir aux Jeux olympiques l’année prochaine. Paris, c’est ma ville préférée. Je suis à Paris chaque année, j’adore.

Mon niveau est déjà élevé, donc si j’ai pour objectif de m’améliorer, c’est parce que je sais qu’en me concentrant sur ma propre progression, je pourrais battre d’autres personnes.

Sinon on se met trop de pression.

Mikaelle ASSANI photographiée par Axel Kohring

Que fais-tu pour atteindre cet objectif ?

Durant ces dernières années, j’ai construit une Team qui me supporte. Elle est composée de ma famille, de mon entraîneur et d’un petit groupe médical comme mon physio et un docteur qui est toujours disposé à m’accueillir. Ils sont tous là pour me supporter. Je trouve que c’est vraiment important d’avoir un tel cadre qui est présent pour te soutenir. Peu importe le problème, qu’il soit mental, physique ou social, c’est important d’avoir un cadre présent pour te soutenir.

Sinon, j’essaie aussi de me concentrer sur mes faiblesses, et d’améliorer mes forces.

Tu es sur le chemin pour inspirer des femmes. Quelle image souhaiterais-tu refléter en tant qu’athlète ?

J’aimerais juste être authentique et montrer aux femmes qu’elles peuvent être elles-mêmes, de ne pas avoir honte de leur corps ou de leur personnalité. On dit souvent aux femmes d’être calmes, de ne pas faire trop de bruit, surtout aux femmes noires. Mais j’aimerais dire qu’il n’y a aucun problème à être simplement sois. Parce qu’il y a une raison pour laquelle on est comme on est.

Le monde dans lequel on vit peut être si faux à cause des réseaux sociaux. Et j’essaie de m’en dissocier en ne mettant pas de filtre, par exemple. Si j’ai des boutons, je montrerais mes boutons. Parce que c’est humain.

J’aimerais également transmettre comme message qu’on peut tout faire avec de la volonté et du travail.

Si tu n’avais pas été athlète, qu’aurais-tu choisi de faire ?

Si je n’avais pas été une athlète, je me serais concentrée sur mes études en faisant de la médecine.

Le sport occupe déjà une si grande place dans ma vie que je ne me suis pas focalisée sur l’école. Mais j’ai d’autres intérêts comme la danse, la musique, le chant… J’aurais aimé faire plus de mannequinat !

Quel conseil donnerais-tu à un athlète qui souhaite performer ?

Trust the process and trust yourself.

C’est vraiment important de croire en soi et de croire en sa performance. Et croire en ses entraînements aussi, car il y a une raison pour laquelle on y est. Il y a aussi une raison pour laquelle on a choisi notre coach. Si on n’a pas confiance en nos actions, alors on ne va jamais y arriver.

Il faut également écouter son corps. Si on a mal, il faut y aller un peu plus doucement. Si on ne se sent pas bien, il faut chercher la cause… Et si on est content, chercher à savoir pourquoi, de sorte à pouvoir le reproduire la prochaine fois.


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